Avant-propos : cet article a été réalisé dans le cadre du Challenge Data #6, une semaine de défi autour de la donnée, organisée par Datactivist pour les 4e années de Sciences Po St Germain en Laye en décembre 2023. Celui-ci a été réalisé en 5 jours (ce qui peut expliquer, dans certains cas, le manque de réponse de la part de certains acteurs mentionnés dans l’article). Pour en savoir plus sur la méthodologie mise à disposition des étudiants, vous pouvez y accéder via ce lien.

Soixante ans après la première carte scolaire, quel bilan en tirer en Centre-Val de Loire et quelles améliorations pour l’avenir ?

La carte scolaire, mise en place en 1963, est le système affectant les élèves dans un collège ou dans un lycée général, technologique ou professionnel correspondant à leur lieu de résidence. Son traçage soulève de nombreuses problématiques, notamment en termes de zonage, répartitions et dérogations. S’il est généralement admis que la répartition des élèves dans les lycées est plutôt inégale, les facteurs responsables de ces disparités restent parfois flous. La région Centre-Val de Loire (RCVL) est une étude de cas pertinente pour aborder ces questions, car l’académie Orléans-Tours a publié de nombreuses données sur le sujet. C’est donc un territoire intéressant pour analyser les disparités socio-spatiales entre les différents lycées, dont la région est, en partie en charge. Quels sont les facteurs inégalitaires de la RCVL ? Et quelles solutions s’offrent à l’administration afin de piloter plus justement l’affectation des lycéens  sur l’ensemble du territoire ?

La carte scolaire échoue à atténuer les inégalités socio-spatiales au lycée

Si, au départ, la carte scolaire était seulement un outil de répartition des élèves fondé sur des critères géographiques, il s’est politisé dans les années 1990, avec l’apparition des problématiques de mixité sociale. La carte scolaire a désormais pour objectif de réduire les inégalités scolaires entre les lycéens, en mélangeant des élèves issus de classes sociales diverses. C’est aussi la volonté de la RCVL qui transparaît dans ses investissements et ses actions éducatives, pour favoriser “l’accès à des enseignements de qualité dans le meilleur environnement possible”. Qu’en est-il réellement ? Ces objectifs sont-ils atteints ?

Aujourd’hui, les classements entre lycées sont calculés grâce à l’Indice de Position Sociale (IPS). Il reprend les caractéristiques socio-économiques et culturelles des familles des élèves accueillis dans l'établissement : plus la catégorie socioprofessionnelle (CSP) des parents est élevée, plus l’IPS le sera aussi. Cet outil de mesure renseigne sur l’hétérogénéité sociale des élèves. À l’échelle de la région, on ne constate pas de différences significatives entre les six départements sur la moyenne des IPS. Mis à part l’IPS de L'Indre-et-Loire légèrement supérieur (110,5), les cinq autres départements de la RCVL accusent des moyennes similaires : Loir-et-Cher : 105,06; Indre : 101,92;  Eure-et-Loir : 101,29; Loiret : 101,03; Cher : 97,96.

En revanche, les différences sont flagrantes à l’intérieur même des départements. Les lycées de centre-villes et de périphéries enregistrent de grands écarts d’IPS. Sur un échantillon de quarante-cinq lycées généraux et technologiques, les dix lycées à l’IPS le plus élevé sont situés en centre-ville ou à proximité du centre-ville (à l’exception du lycée Privé de Pontlevoy). À l’inverse, les dix lycées aux IPS les plus bas, sont majoritairement localisés en périphérie ou dans des villes moyennes. Lorsqu'ils sont dans les grandes villes, ils restent très excentrés, comme le lycée Voltaire d’Orléans.

Répartition géographique des 10 lycées GT ayant l'IPS le plus élevé.png

Répartition géographique des 10 lycées GT ayant l'IPS le plus faible.png

Le constat est sans équivoque : la carte scolaire n’a pas su venir à bout des inégalités socio-spatiales dans les lycées. De toute évidence, les centre-villes sont restés l’apanage des acteurs de la gentrification et des catégories socioprofessionnelles les plus hautes. Cette appropriation brouille les tentatives de mixité sociale dans l’accès aux lycées. Non seulement cet échec de la carte scolaire n’a rien de nouveau, mais il est également le reflet des inégalités sociales à l’échelle de notre société. Pour Maxime Guinepain, doctorant en géographie, “La carte scolaire ne fait cependant jamais que se superposer à un espace résidentiel lui-même ségrégué”. Un constat partagé par de nombreux chercheurs, dont le sociologue François Dubet qui affirme que la carte scolaire “reproduit les inégalités entre les quartiers, les cristallise et les accroît”.

Par ailleurs, ce sont les lycées privés (majoritairement situés en centre-ville) qui regroupent les IPS les plus importants. Les lycées privés ne font qu'accroître le phénomène d’inégalités socio-spatiales : les élèves qui y sont scolarisés échappent à la répartition et à la politique de mixité sociale que tente d’instaurer la carte scolaire. En RCVL, ce constat se vérifie sur les différences d’IPS entre établissements privés (111,95) et publics (100,53).

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Le privé et les centre-villes concentrent les bons élèves

L’objectif d’équité que poursuit la carte scolaire est une fois de plus mis à rude épreuve lorsqu’il s’agit de faire le constat des différences de résultats entre lycées privés et publics.

Concernant le taux de réussite au baccalauréat, les écarts de résultats ne sont pas aussi marqués que l’on aurait pu l’imaginer. En RCVL, la moyenne des lycées généraux et technologiques privés sous contrat est de 98,95%, tandis que la moyenne des lycées généraux et technologiques publics représente quant à elle 96,98%. En revanche, la différence est flagrante pour le pourcentage des mentions obtenues à l’examen du baccalauréat.

Pourcentages d'élèves de la RCVL ayant obtenu une mention au bac   (2).png